Le glyphosate : tu veux ou tu veux pas ?
Par René Durand le dimanche 5 novembre 2017, 06:26 - Politique et critique du libéralisme - Lien permanent
Les dernières valses-hésitations de la France et de l’Europe sur la question de l’autorisation de commercialiser (et donc d’utiliser) du glyphosate sont inquiétantes. Sur cette question, comme sur tant d’autres, une fois de plus sont en cause : les masses d’argent générées par la vente de ces produits, les lobbies à la manœuvre tant en France qu’en Europe, mais aussi les pratiques agricoles soutenues par l’agro-industrie en général et la FNSEA en particulier. Dans ce méli-mélo la « macronie » s’en sort en « peignant en vert » une décision improbable.
C’est en 1964 que la compagnie américaine, Stauffer Chemical, dépose
un brevet sur la molécule du glyphosate qui a une propriété de chélateur de
métaux (elle fixe les métaux et les rend solubles dans l’eau). Du coup
son premier usage est le nettoyage des chaudières et des canalisations !
On est loin des « mauvaises herbes » ! La journaliste
d’investigation Marie-Monique Robin (réalisatrice du
documentaire « Le Roundup face à ses juges »
diffusé le 17 octobre sur Arte) explique dans la revue informatique
« Novethic » : « Aujourd’hui comme le
glyphosate est utilisé massivement, notamment dans les cultures aux
États-Unis, il s’accumule dans les sols et chélate les minéraux. Ils ne sont
plus disponibles pour les plantes qui tombent malades. Cela a aussi des
conséquences sur les élevages industriels consommateurs de soja ou de maïs
imbibés de Roundup. Une fois dans les organismes, le glyphosate séquestre le
fer et le zinc, ce qui entraîne des malformations, une chute de la fertilité,
etc. ».
En tout cas, aujourd’hui tout un système repose sur le
« Roundup » par manque de savoir-faire en dehors de ce
produit. Pour attester de cette situation de dépendance, il n’y a qu’à
regarder comment la FNSEA pèse dans le débat et les décisions jupitériennes.
Ainsi le 22 septembre dernier quelque 300 agriculteurs se sont
rassemblés à l’angle des Champs-Élysées et de l’avenue de Marigny
à l’appel de ce syndicat. Ils ont déversé sur la chaussée de la paille sur
laquelle ils se sont allongés avec comme mot d’ordre : « Macron
tue les agriculteurs » ou encore « Il faut arrêter d’emmerder le
monde agricole ! » Avec empressement une délégation de 6 représentants
a été reçue par la conseillère de notre Président. La prestation
faite, la petite comédie s’est terminée, rassurée par l’Élysée :
« La position reste la même, l’engagement de campagne demeure, mais
ça se fera avec méthode et dialogue, cela ne se fera pas du jour au
lendemain ».
Ainsi donc le monde agricole ne survivrait pas au manque de ce
glyphosate. On trouve dans la presse plusieurs explications quant à cette
dépendance. Je ne les reprendrai pas toutes, mais quelques-unes méritent notre
attention.
Selon le journal « Alternatives économiques » : C’est
800 000 tonnes de ce produit qui sont vendues chaque année par un ensemble
d’entreprises. C’est 300 fois plus qu’il y a quarante ans. Cela
représente de l’ordre de 40 % des 15 milliards de dollars de chiffre
d’affaires de Monsanto. Les chiffres donnés par le site Planétoscope
sont quelque peu différents et on parle, pour le géant américain, d’un gain de
150 dollars chaque seconde !
José Bové, dans un article de Libération du 26 septembre, nous
propose une seconde explication. « La réponse est simple :
certains [céréaliculteurs] s’en servent pour griller leurs cultures dix jours
avant la récolte, pour que les grains aient le même degré d’humidité et
accélérer le travail des moissonneuses-batteuses ! En Allemagne et en
Angleterre, près de 10 % des surfaces agricoles sont ainsi aspergées
juste avant la récolte. Aux États-Unis c’est la quasi-totalité du territoire
agricole qui est aspergé par des tonnes de Roundup pour récolter des plantes
mortes. Il est de notoriété publique que cette pratique est également
répandue en France, en particulier lors des années humides. L’épandage de
Roundup sur les cultures avant récolte est pourtant interdit en France depuis
les années 2000 ! »
J’ai trouvé dans la revue Basta un troisième éclairage qui nous emmène
à Landerneau, au siège de la plus grande coopérative agricole de ce
territoire « Triskalia ». « Elle emploie 4 800
salariés et fédère 16 000 agriculteurs adhérents, pour 280 sites en
Bretagne. Son conseil d’administration est géré par des membres de la FNSEA.
En 2016, Triskalia a réalisé un chiffre d’affaires impressionnant, à hauteur
de 1,9 milliard d’euros. » Mais Serge Le Quéau, de
l’union régionale Solidaires, explique que son activité la
plus rentable est la vente de produits phytosanitaires, « sans commune
mesure avec ce que lui rapporte la commercialisation de véritables produits
agricoles (lait, céréales, œufs...) ». Et Basta de
continuer : « Triskalia n’est pas la seule coopérative à agir
à contre-courant d’une réduction de l’usage des phytosanitaires. En 2013,
InVivo, le premier groupe coopératif français, renforce ses investissements
dans la production de pesticides. Déjà actionnaire de Phytoeurop — un groupe
spécialisé dans le développement, la production et la commercialisation de
produits phytopharmaceutiques —, InVivo acquiert 50 % de la start-up Life
Scientifique, une société irlandaise spécialisée en recherche et
développement sur les produits phytosanitaires. »
Au final, comment va s’écrire la suite de l’histoire de ce produit
dangereux et cancérigène avec ces énormes sommes d’argent qui sont en
jeu ? Les États membres de l’Union européenne ont reporté leur
décision, lors d’une première réunion qui s’est tenue le 25 octobre dernier, au
9 novembre. Chacun s’accorde à dire qu’il sera bien difficile de deviner
l’attitude de chaque gouvernement, tant la procédure européenne est opaque.
« Le problème, c’est que les États membres décident en secret, sans que
l’on connaisse leur position », explique le représentant d’une ONG.
Il semble bien que l’on se dirige vers un renouvellement, pour cinq à
sept ans. Quant au Parlement européen, il propose une prolongation de trois ans
avant une sortie du glyphosate.
Et pour la France ? « Fin août, Nicolas
Hulot, ministre de la Transition écologique et de la solidarité, avait
annoncé que le gouvernement voterait contre la position de la Commission
européenne. Depuis, sous pression FNSEA, la décision dérive vers une
autorisation à 5 ou 7 ans. Le porte-parole du gouvernement, Christophe
Castaner a semé la confusion lundi 25 septembre 2017, en
annonçant sur l’antenne de RMC et de BFM-TV que le Premier ministre avait
“arbitré” et que le glyphosate allait être “interdit en France d’ici à
la fin du quinquennat” pour tous les usages, y compris
agricole. »
Et les enjeux de santé publique dans tout cela ? Le système n’en a
rien à faire. L’agro-industrie est sous perfusion et il y a tant d’argent à
gagner ! Et cela même si 1,3 million d’Européens ont participé, avec
Greenpeace, à l’initiative citoyenne européenne « Stop
glyphosate » !
Les liens :
- La notion de chélation sur Wikipédia.
- Le glyphosate sur Wikipedia.
- Signer sur le site de Greenpeace la pétition européenne pour interdire le glyphosate.
Commentaires
Bonjour,
Voici un listing des differentes pathologies auxquelles le glyphosate pourrait etre lie - selon les etudes scientifiques:
http://www.infosglyphosate.com/cate...
le site americain "momsacrossamerica" a fait un gros travail pour faire tester leglyphosate sur pas mal d'aliments: cereales du petit dejeuner, glaces...https://www.momsacrossamerica.com/t...
Pour les alternatives (on pense a la SNCF qui est le plus gros utilisateur de glyphosate en France pour les voies ferrees):
pour lesparticuliers:
http://www.infosglyphosate.com/les-...
pour les pro:
https://www.youtube.com/watch?v=Cn5...
https://positivr.fr/desherbant-eau-...
bien cordialement.