L’agriculture BIO, en progrès constant, malgré l’adversité !
Par René Durand le samedi 7 octobre 2017, 18:59 - Territoire - Lien permanent
Ce dimanche 1er octobre, dans le cadre de l’opération nationale « Manger bio et local, c’est l’idéal » et pour fêter les 20 ans de l’association BIO 46, 24 fermes BIO étaient ouvertes au public dans le département. Première remarque quant au langage : doit-on encore utiliser pour ces fermes le qualificatif de « BIO », alors qu’elles pratiquent une agriculture normale ? Au contraire, ne devrait-on pas traiter de « chimiques » les exploitations que l’on dit « normales » ? En tout cas, il m’a semblé intéressant de regarder l’évolution de cette filière naturelle dans ce monde de brutes où les pesticides règnent en maître.
Si j’en crois les informations qui traînent sur internet,
l’agriculture « biologique » se porte plutôt bien, n’en déplaise aux
tenants de l’agro-industrie. Les usagers achètent et consomment de
plus en plus de ces produits. En 2016, le chiffre d’affaires généré
en France par le BIO est estimé à 7,147 milliards d’euros. Il est en
augmentation de 20 % par rapport celui de l’année précédente (5,76
milliards). Mais on mesure mieux cette avancée quand on sait qu’il
était de 1,564 milliard en 2005 (456 % en 11 années). Certes, les
consommateurs les achètent dans les réseaux de distribution spécialisée
(37 %), directement aux agriculteurs (13 %), chez les artisans ou
commerçants (5 %), mais surtout, et de plus en plus, dans les grandes et
moyennes surfaces (45 %).
Soixante et onze pour cent de ces produits proviennent de
France. Cela n’est pas sans conséquence sur le nombre d’exploitations
qui en sont à l’origine. Elles sont 32 326, ce nombre étant en progression
de 32 % entre 2013 et 2016. Elles représentent 7,3 % des
exploitations agricoles, mais plus de 10 % des emplois. Nathalie
Masbou, présidente de « BIO 46 », rappelle à cette occasion
dans le « Blog des Bourians » que ce type de production
« nécessite plus de main-d’œuvre. C’est donc
important pour le tissu économique local ». L’ensemble de la filière
(production, transformation et distribution) employait directement en 2016,
118 000 personnes, avec une croissance annuelle moyenne de 8,4 %
depuis 4 ans. L’Occitanie est la région qui compte le plus de fermes
BIO : 7 227 sur 361 718 ha, soit 20 % du
total national. Suivent les régions Auvergne-Rhône-Alpes (4 800),
Nouvelle-Aquitaine (4 700) et Pays de la Loire (2 500). Si j’en crois
les propos de Florent Guhl (directeur de l’Agence
BIO) rapportés par le Figaro :
« l’augmentation des exploitations biologiques est notamment due à un
“effet de voisinage”. Lorsqu’un agriculteur fait le pari du BIO, ses voisins
peuvent se laisser eux aussi tenter par cette pratique qui peut s’avérer moins
coûteuse. » Toujours en 2016, nous dénombrions dans le LOT
316 exploitations (sur 15 546 ha), soit 7 % de la
surface cultivée dans le département. Elles n’étaient que 91 en
2005 !
Parmi les principaux reproches faits au BIO, REPORTERRE en rappelle
deux. Premièrement ce mode nécessite « l’existence d’une agriculture
locale et pousse en parallèle à l’essor d’une agriculture
urbaine. » Deuxièmement, « il pose aussi la question des
possibilités pour les quartiers populaires d’en bénéficier
également. » L’accessibilité à une alimentation de qualité
pour les habitants les plus défavorisés de nos métropoles est en effet un
problème. Mais plusieurs expériences en cours nous montrent qu’il y a
des solutions. Je n’en retiendrai qu’une, rapportée dans l’article de
REPORTERRE. « Les “Amis du zeybu”, basés à Eybens
(Isère), se sont de leur côté développés dès 2009 en coopérative
d’habitant(e)s en circuit court avec un principe de solidarité régénérateur
de liens et de citoyenneté, autour d’une monnaie, le “zeybu solidaire”. Ce
principe de zeybu solidaire permet de créditer le compte d’adhérent(e)s en
situation difficile grâce à la vente de dons en nature des producteurs et
productrices. Ces derniers peuvent alors acheter leurs produits : c’est la
boucle solidaire. “Outre les produits commandés, les producteurs nous donnent
l’équivalent de 10 % de leur livraison en nature. L’argent récolté par
la revente de ces produits est reversé à une association locale qui crédite
les comptes zeybus de personnes en difficulté, leur permettant de faire leurs
courses comme les autres adhérents”, précise Jean-Jacques Pierre,
ex-président de l’association. »
Que de bonnes nouvelles, me direz-vous ? Pas certain.
Pouvions-nous attendre de ce gouvernement néo-libéral, au service des riches,
autre chose que des coups sur une pratique en rupture avec
l’agro-industrie ?
Ce 21 septembre dernier, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travers
a confirmé la suppression des aides au maintien pour les paysans
BIO : « Nous allons, dès 2018, recentrer les budgets
disponibles sur le financement des nouveaux contrats d’aide à la
conversion ». En clair, l’État n’accompagnera que la période pendant
laquelle l’agriculteur, qui fait sa transition en BIO, voit ses rendements
chuter. Ainsi il annonce l’abandon du deuxième type d’aide qui « prend
le relais, après la certification, pour consolider le nouveau modèle
économique de la ferme. » Le journal Le Monde nous
explique que « paradoxalement, cette agriculture est victime de son
succès. Les crises agricoles, mais aussi l’appétit des consommateurs, ont
suscité un flot de conversions. Au point que les enveloppes se sont
retrouvées vides. »
Il est bien évident que la FNSEA approuve ce choix :
« La priorité, c’est l’aide à la conversion. Pour l’aide au
maintien, nous pensons que c’est au marché de prendre le relais ».
La Confédération paysanne qualifie de « nouveau
renoncement », la décision prise. Pour elle la « main
invisible du marché » ne peut tout régler. Ainsi il faut
« légiférer à l’issue des états généraux de l’alimentation pour
rééquilibrer le rapport de force entre les paysans et l’aval, et que l’État
r endosse la responsabilité qui est la sienne, à savoir engager et
accompagner la nécessaire transition agricole ». Quant à la
Fédération nationale d’agriculture biologique, « la
suppression des aides au maintien est un déni des services environnementaux
rendus à la collectivité par la BIO ». Elle conclut en souhaitant
que l’État se fixe un « objectif ambitieux d’être le premier pays bio
d’Europe avec 20 % des surfaces agricoles utiles bio en
2022 ».
Puissent les défenseurs d’une alimentation de qualité être
entendue...
Les liens :
- L’article : « Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? » sur le site du Ministère.
- Le site de la Fédération nationale d’agriculture biologique.
- Le site de la Confédération paysanne.
- Le site de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
Commentaires
En tant que personne qui reconnait être profondément enchaînée dans le maillage de la langue, française et anglaise, je vous fais part de ma très grande méfiance en constatant qu'il y a à peine 20 ans l'Homo occidentalus affichait une.. foi quasi inébranlable dans le pouvoir des ANTIBIOtiques de le guérir de ses maux.
Quand je constate maintenant l'énorme intoxication médiatique et sociale, les flonflons qui accompagnent le mot... "bio" (même si cela a trait à la vie, "bio"...) je ne peux qu'afficher mes doutes de personne consciente de l'ampleur des modes dans les cercles médico-scientifiques. Comme je ne crois pas que je verrai la Vérité dans ma vie sur terre, (ou ailleurs...) je ne vois pas pourquoi je la trouverais dans les bras des médico-scientifiques, et autres personnes si persuadées de la détenir... pour mon bien.
Je discute avec des producteurs locaux sur mes marchés pour me rendre compte déjà des contraintes institutionnelles inspirées par l'idéologie sur leurs vies de petits agriculteurs indépendants.
Apprenons à écouter nos prochains... agriculteurs indépendants, et ne pas nous laisser embarquer par les prochaines croisades...
Enfin... existe-t-il encore des paysans en France, ou ailleurs ? Il me semble que... le paysan est un artéfact de l'Ancien Régime FEODAL (grande nuance, là) et nous sommes encore partis en croisade afin d'éliminer ses derniers vestiges. Pourquoi... le paysan y échapperait ??