Avignon OFF : La violence des riches.
Par René Durand le mardi 18 juillet 2017, 11:57 - Spectacle vivant - Lien permanent
Je ne vous ferai pas l’affront de vous donner la biographie détaillée de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Wikipédia comblera votre ignorance sur ce point. En fait, tous deux étaient (jusqu’à leur départ à la retraite) directeurs de recherche au CNRS, rattachés à l’Institut de recherche sur les sociétés contemporaines (IRESCO) de l’université de Paris-VIII. Pour faire court, ils ont consacré l’essentiel de leurs œuvres à la sociologie des riches. Un de leurs ouvrages, « La violence des riches » (publié en 2013), a servi de support lors de l’écriture du spectacle que j’ai vu ce 16 juillet au théâtre des Carmes-André Benedetto dans le cadre du festival OFF.
Il est certainement complexe de faire des pièces militantes sans
être rébarbatif. Cela, d’autant plus qu’il s’agit de porter le
discours de sociologues, même si cet ouvrage (que j’avais lu) s’appréhende sans
difficulté, y compris par un profane. Précisons enfin que ce spectacle n’est
pas une création d’Avignon. Il a déjà été joué à la « Maison des
Métallos » (à Paris) et a tourné dans plusieurs salles de la région
parisienne et de province.
L’Humanité, sous la plume de Gérald Rossi, nous trace le
cadre. « On remarque un rien de bric-à-brac aux quatre coins du
plateau, quelques tablettes, des chaises, des téléphones, des affichettes,
des lettres géantes, des rubans de signalisation blancs et rouges, et même
une bouteille de champ’ pour faire la fête. Il n’en faut pas plus à
Guillaume Bailliart, qui signe la mise en scène et à
Stéphane Gornikowski auteur et concepteur, pour dénoncer,
avec une bonne humeur communicative “La violence des riches”. Ils se sont pour
cela très largement inspirés des travaux des “sociologues militants” Michel
Pinçon et Monique Pinçon—Charlot, complices d’ailleurs de ce
spectacle. »
Tout est dit dans ce spectacle où l’on aborde même la question de notre
passivité (voire de notre soumission) face à la maltraitance que cette
oligarchie a mise en œuvre. Comment nous arrivons à être persuadés que
les raisons de la crise sont de notre faute, comment nous pensons en être
responsables, accusés d’être des « tirs au flanc » et même, si l’on
en croit les médias, un peu fraudeurs, etc. Les électeurs de Macron et de ses
députés « En Marche » ne sont-ils pas convaincus que la sortie de
cette crise passe par la casse du Code du travail, par l’austérité,
l’augmentation de nos impôts, etc.
Nous trouvons dans ce spectacle quelques explications de base. Tout d’abord,
« le montant total de la fraude fiscale est aussi élevé que le
déficit public du pays ». Ensuite, nous sont rappelés les propos
de quelques-uns des plus emblématiques représentants des grandes fortunes
(Liliane Bettencourt, Serge Dassault, le baron Ernest-Antoine Seillière de
Laborde, etc.). On nous explique comment 10 milliardaires possèdent, à eux
seuls, 90 % de la presse papier, 55 % des parts d’audience de la
télévision, etc. Pour finir, jouant la proximité, on va insister sur quelques
luttes en cours dans le territoire local, y compris celle menée par les
associations contre la privatisation de l’eau de la métropole
avignonnaise.
L’actualité allant à toute vitesse, les auteurs du spectacle ne pouvaient
connaître (qu’ils en soient pardonnés) le travail de l’OFCE
(Observatoire français des conjonctures économiques) révélé par Médiapart de
ce jour, dans un article intitulé : « Emmanuel Macron, président
des 1 % les plus riches ». Le journal détaille :
« Selon une étude de l’OFCE, les mesures fiscales du gouvernement
profiteront surtout aux 1 % les plus riches, preuve de l’attachement de
l’exécutif à la théorie, désormais datée, du “ruissellement” de la
richesse et de son refus de faire face au creusement des
inégalités. » Et de préciser : « Les résultats de
ces calculs sont sans appel : le grand gagnant des mesures fiscales du
gouvernement est le “dernier décile” des ménages, autrement dit les 10 %
des ménages les plus riches. Ces derniers capteraient ainsi 46 % des
gains fiscaux promis aux ménages. Et même mieux, selon les économistes de
l’institut, c’est principalement le dernier centile, autrement dit les 1 %
les plus riches, composés de 280 000 ménages, qui occuperaient le haut
du podium. »
Quand l’actualité vient conforter le bien-fondé de ce spectacle !
En tout cas, on ne s’ennuie pas une seconde dans cette représentation qui joue
avec le public, ce dernier particulièrement enthousiaste a ovationné les
acteurs.
Distribution :
- Auteurs : Stéphane Gornikowski, Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot.
- Interprète(s) : Grégory Cinus, Malkhior, Sophie Affholder.
- Metteur en scène : Guillaume Baillart.
- Collaborateur artistique : Étienne Gaudillère.
- Scénographe : Marilyne Grimmer, Yvonne Harder.
- Créatrice lumière : Annie Leuridan.
- Régisseurs : Caroline Carliez, Fred Flam.
- Production : Compagnie « Vaguement Compétitif ».
- Coproduction : Maison des métallos.
Les liens :