Homophobie : en finir un jour !
Par René Durand le vendredi 26 mai 2017, 11:06 - Réflexions - Lien permanent
L’actualité récente a mis en lumière les pratiques homophobes en France et dans le monde. Je ne reviendrai pas sur l’attitude du gouvernement tchétchène où la police emprisonne, en dehors de tout cadre légal, des homosexuels. Une centaine seraient détenus et torturés depuis février, et trois auraient été tués. Plus largement on estime qu’en 2016, encore 73 pays condamnent l’homosexualité et que 13 États (ou partie d’État) prévoient la peine de mort. En France c’est l’affaire Hanouna et ses propos scandaleux qui tiennent le devant de la scène. Ainsi donc nous n’en avons pas fini avec ces pratiques d’un autre âge. Cela vise une population non négligeable puisque selon un sondage conduit en France par l’IFOP (2014) 7 % des hommes et 1 % des femmes interrogés se définissent comme homosexuels.
L’homophobie me semble trouver ses racines dans les religions et
dans leurs dimensions les plus intégristes. Par exemple, dès
l’adoption du christianisme comme culte officiel, les pratiques homosexuelles
deviennent criminelles. Ainsi au IVe siècle de notre ère, les premiers
empereurs catholiques condamnent ces pratiques à la peine de mort par le feu,
devant la plèbe réunie. Au VIe, on va considérer l’homosexualité comme
un crime contre l’ordre naturel créé par Dieu. Sous l’inquisition,
supposée être en lien avec l’hérésie, elle est combattue, sous le nom de
bougrerie. Aujourd’hui les catholiques semblent établir une savante
distinction entre la pratique homosexuelle et la personne concernée.
Par exemple le catéchisme de l’Église nous précise que « la Tradition
a toujours déclaré que “les actes d’homosexualité sont intrinsèquement
désordonnés”. Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte au don
de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle
véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas. »
Pour autant, les personnes homosexuelles, ce qui pour la plupart d’entre eux
reste « une épreuve », « doivent être accueillies
avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque
de discrimination injuste. » Mais des évolutions semblent se faire.
Ainsi le journal « Têtu » nous rapporte dans un
article de juin 2016. « Deux semaines après la fusillade d’Orlando qui
a causé la mort de 49 personnes et les blessures d’une cinquantaine d’autres
rassemblées dans une boîte de nuit gay de Floride, le souverain pontife a
affirmé que, selon lui, “l’Église doit présenter ses excuses aux personnes
homosexuelles qu’elle a offensées comme l’a dit récemment le cardinal Marx” et
que “nous, les chrétiens, devons présenter nos excuses de ne pas avoir
accompagné tant de déchirures”. »
La situation reste peu différente dans l’islam des origines où il
semble bien que seule la pratique entre partenaires de sexes opposés soit
autorisée. La sodomie y est qualifiée d’« abomination sans
pareil », de « crime horrible et révoltant ». Il
ne peut y avoir d’union qu’hétérosexuelle (par le vagin, lieu de la procréation
et non l’anus). Toute relation sexuelle hors du cadre « sacré et
divin » du mariage homme-femme est donc interdite. Toutefois, le
lesbianisme semble considéré, quant à lui, comme moins grave, car ne mettant
pas en péril la virilité du sexe fort. Conséquence : dans certains pays
musulmans s’il y a sanction pénale dans un cas, il n’y en a pas dans l’autre.
Les choses pourraient avoir évolué. Par exemple Tareq Oubrou
(théologien et recteur de la mosquée de Bordeaux) signe en mai 2010
avec plusieurs personnalités chrétiennes et juives (Olivier Abel philosophe,
Jean-Claude Guillebaud essayiste et Rivon Krygier rabbin) un appel des
religions. Quelques jours après, dans une interview du 29 mai, il commente sa
position : « le seul rapport acceptable en matière de sexualité
est celui qui s’effectue entre deux sexes différents dans le cadre légal du
mariage. Comme les autres religions, l’Islam ne considère pas l’homosexualité
comme une pratique acceptable. Elle est considérée comme une faute morale, un
péché. » Toutefois il rappelle qu’il « n’y a aucun passage
dans le Coran ni aucune tradition du Prophète Muhammad authentique et formelle
qui réserve une quelconque sanction pénale à celui qui la pratique. Même si
l’homosexualité est clairement réprouvée moralement dans le Coran et dans la
Sunna. »
Regardons maintenant le traitement que la France a réservé aux
homosexuels de son territoire. Le poids de la religion catholique et
sa position dominante ne nous laissent aucun doute sur ce qui sera leur
calvaire au moyen-âge ou sous la monarchie. Il faudra attendre la
Révolution pour voir la législation évoluer. La France sera le premier pays à
dépénaliser complètement l’homosexualité, l’Assemblée constituante de 1789 ne
retenant pas le « crime de sodomie » dans le Code.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime de Vichy et son idéologie
fasciste adoptera une attitude ambiguë en épargnant par exemple nombre de
célébrités (Cocteau, Jean Marais, etc.). Cela dit, la chasse aux homosexuels,
la déportation et le port du triangle rose seront des pratiques courantes même
si le nombre de victimes est sujet à caution. Les recherches conduites sur ce
point, sur la base des condamnations « légales », le chiffrent à
10 000. En 1942, le régime de Vichy introduit dans le Code pénal une
discrimination : l’acte consistant à avoir des relations homosexuelles
avec un mineur (moins de 21 ans) devient un délit, alors qu’il reste fixé à 15
ans pour les hétéros. Les ordonnances du Général de Gaulle en 1945 confirment
cette disposition qui sera toujours en place en 1982. C’est à cette date que
Badinter abolira cette différence de traitement par une loi adoptée le 4 août.
En 1999, le gouvernement Jospin fait voter le texte sur le PACS
accordant un certain nombre de droits aux couples homosexuels. En 2004
sera créée la « Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour
l’égalité » (HALDE) qui retient l’homophobie et pénalise les propos
publics incitant à la haine, diffamatoires ou injurieux en raison de
l’orientation sexuelle. En 2005, un nouveau décret va étendre cette
pénalisation aux propos privés. Enfin, le mariage pour les couples de
personnes de même sexe est autorisé en France par une loi du 17 mai
2013. Elle rend aussi possible l’adoption conjointe et celle de
l’enfant d’un des conjoints.
Il faut rapidement mettre fin aux pratiques homophobes et condamner
sans pitié leurs auteurs. Premier dans ma liste, l’ineffable Hanouna qui doit
« dégager » !
Les liens.
- Le site internet de l’association « Homosexuels Musulmans 2 France (HM2F) ».
- Le billet de Sophia Aram sur France-Inter le 22 mai 2017 : « HanouAnal ».
- Une première liste d’associations LGBT membres de la Fédération LGBT.
- Une seconde liste ici : Bi'Cause.
- Etc.
Commentaires
Je crois qu'il faut nuancer un peu vos propos sur ce sujet de société brulant.
Je crois qu'on peut affirmer que les trois monothéismes sont hostiles aux actes homosexuels, considérés comme des actes contre nature, pour la raison que ces actes sexuels ne préservent pas le lien indissoluble entre pratique sexuel et la reproduction de l'espèce, et vont contre l'union... sacrée... de l'homme et de la femme comme pierre angulaire de la civilisation et d'une sexualité basée sur l'union des différents, et pas des mêmes pour produire... un enfant, un tiers, encore différent des deux premiers.
L'enjeu n'est rien moins que la substance de l'altérité pour nous en ce moment. C'est un enjeu de civilisation à mes yeux. Un enjeu de civilisation dépasse la question de l'intégrisme ou non des pratiques religieuses.
Je ne suis pas suffisamment cultivée pour exposer la place de l'homosexualité dans la culture grecque de l'Antiquité, surtout dans les milieux... intellectuels, parmi les philosophes athéniens. Je dirai simplement que certaines de ces pratiques ont concerné une minorité (élite...) de personnes...
Je peux tout de même dire que l'Antiquité occidentale (indo-européenne)... qu'il s'agisse de l'Inde du Kama Sutra, ou de l'Antiquité grecque (se souvenir que la maison de Thèbes a été souillée par Laios et l'abus sexuel qu'il a pratiqué sur le fils royal de son hôte royal, au point de condamner sa propre progéniture à un destin tragique...) a une idée conservatrice de l'union de l'homme et de la femme dans le mariage en vue de transmettre du bien, et des enfants légitimes pour jouir de ce bien, et que des pratiques (fellation, cunnilingus, homosexualité) qui dévient de ce cadre ont été réservées pour des marginaux, et des courtisan(e)s, en dehors du contexte du mariage. Qu'il y ait de l'interdit posé dans les conduites sexuelles me semble.... normal, souhaitable, et justifiable, afin de préserver la continuité, et la transmission entre les générations, et ainsi... la civilisation elle-même. C'est un vaste problème, je vous l'accorde.
Peut-être que le point le plus important est de remarquer que le mariage a une grande raison d'être afin de transmettre du bien, et d'accorder une légitimité aux enfants. Sans biens et sans enfants... il perd sa raison d'être... ce qui explique qu'à une époque où l’Église (catholique, c'est à dire.. universelle) avait réussi à généraliser la pratique du mariage à toutes les classes sociales, il protégeait les femmes de la... monoparentalité ? de l'abandon, en liant les couples... Et oui. Le lien... protège en liant. En déliant, on fait chuter la protection.
Quiconque veut critiquer l'Islam, et le Catholicisme doit reconnaître la racine des trois monothéismes... dans le Judaïsme lui-même, qui est traditionnellement très hostile à l'homosexualité.
Ce n'est pas un détail.
Je vous recommande le livre de Christopher Lasch, "La révolte des élites et la trahison de la démocratie" écrit en 1995, qui dénonce la prise du pouvoir public par une classe... intellectuelle à laquelle nous appartenons, vous et moi....
Le livre est provocateur, et Lasch est un immense et inclassable intellectuel lui-même. La manière dont il dénonce la faillite de la démocratie aux U.S. devrait nous alerter sur les effets de cette faillite sur les sociétés européennes à un moment où l'Amérique revient en force dans les têtes européennes avec la conjoncture de l'anniversaire de la libération de la guerre de 14-18, et bien sûr... l'anniversaire des 500 ans de la Réforme cette année. Ne parlons pas de l'anniversaire de la révolution russe de 1917...
Cela fait beaucoup d'anniversaires de révolutions cette année...
Vertigineux.
Vous pourrez lire le traitement que Lasch accorde aux religions comme ciment possible de la société. Tocqueville l'avait déjà reconnu avant lui, d'ailleurs.
C'est un autre son de cloche.