Les dérives du système économique libéral sans entraves : l’exemple des cars de monsieur Macron
Par René Durand le jeudi 11 août 2016, 22:28 - Déplacement - Lien permanent
Le gouvernement socialiste des Vals et autres Macron, sous présidence « Hollandouilliène », au nom de la recherche d’une croissance salvatrice et de la création d’emplois, n’ont de cesse que de casser les protections sociales, le Code du travail, soit toute contrainte au développement d’une concurrence effrénée. Une des mesures phares de cette politique fut la libéralisation du transport routier et l’affaire des cars dits « Macron ». Aujourd’hui, avec plusieurs mois de recul, on ne peut que constater l’échec et les effets néfastes de ce type de politique.

L’idée géniale de ce ministre-là, pour compenser le démantèlement du
service public ferroviaire, était d’initier des « services librement
organisés » avec « la possibilité, pour les entreprises de
transport public routier de personnes, d’assurer — à leur initiative — toute
desserte interurbaine ». Très rapidement, l’Union
Interfédérale des Transports de la CGT, dans un communiqué de presse
de décembre 2014, notait que ce projet arrivait comme par hasard :
« dans une période où de nombreuses lignes ferroviaires sont
menacées de fermeture par manque d’investissement dans l’entretien, la
modernisation des infrastructures ferroviaires tout comme le renouvellement du
matériel (Corail-train de nuit…), avec une réforme du système ferroviaire
qui n’a pas réglé le problème de la dette du système, dette
d’État. » Le syndicat expliquait la nécessité de ne pas opposer et
mettre en concurrence les modes de transports et les salariés qui les
assurent. Il rappelait à cette occasion l’expérience passée avec les dégâts
qu’avait eus cette même logique politique dans le transport des marchandises.
Avec le dumping social ainsi engendré, cela avait conduit à la
suppression de milliers de postes dans le fret ferroviaire. Il prédisait que
contrairement aux annonces faites, il ne faut pas escompter la création de
10 000 emplois (et de quels emplois parlons-nous :
précaires-travailleurs détachés, etc.) alors que des milliers sont
supprimés à la SNCF.
L’organisation syndicale développait ainsi plusieurs
points.
- Dans la réalité, une part importante des usagers du rail ne se reportera pas sur le système d’autocars qui sera mis en œuvre, mais va utiliser sa voiture particulière pour se déplacer, ce qui ne va pas dans le sens d’une réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Le journal les Échos, rappelle sur ce point (la droite était au pouvoir), que l’idée d’une « libéralisation totale des dessertes nationales, souhaitée de longue date par les professionnels, avait en revanche à l’époque été retoquée, le gouvernement trouvant alors le développement du car peu compatible avec le Grenelle de l’environnement. »
- Un tel projet va « amplifier les inégalités sociales et territoriales : le TGV pour les grandes métropoles et les plus nantis, l’autocar pour les autres villes et les plus démunis. »
- Enfin, si dans votre billet de train vous payez l’utilisation des voies ferrées (renouvellement, frais de gestion, etc.), dans celui du bus ne sont pas comptabilisés les coûts externes indirects (accidentologie, entretien des infrastructures routières, pollution, etc.) qui eux sont assurés par le contribuable !
Et de conclure : « La CGT considère que nous
avons besoin de tous les modes de transports en complémentarité, dans un
concept multimodal, sous contrôle et maîtrise publics (…) Au final, cette
stratégie de low cost, c’est perdant/perdant pour les salaries et les usagers,
mais gagnant/gagnant pour les grands groupes et leurs
actionnaires ! »
Il faut bien admettre, en regardant la situation aujourd’hui, que la
centrale syndicale ne s’est guère trompée.
La pseudo-concurrence s’est refermée et l’on a assisté à une formidable
concentration dans ce secteur d’activité. Ils ne sont plus que
trois : « Ouibus », filiale de la SNCF,
« Flixbus » entreprise allemande et
« Isilines » propriété de Transdev. En effet Flixbus
a racheté ce premier juillet dernier Megabus.com en Europe continentale. Cette
concentration n’est pas pour déplaire à Pierre Gourdain, le
patron de Flixbus en France : « Avec trois acteurs, le marché
est toujours propice aux consommateurs. Cependant, cela va nous permettre de
trouver un meilleur équilibre financier. » Tiens donc !
Il est vrai que la recette moyenne par passager reste très faible
(3,3 centimes du kilomètre) ce qui a pour conséquence, si j’en crois
les Échos « qu’aucun acteur ne gagne aujourd’hui
d’argent. Isilines a déjà investi 25 millions d’euros en France, Ouibus a
brûlé une centaine de millions d’euros tandis que Flixbus, qui n’annonce
aucun chiffre, est également très loin de l’équilibre. »
En termes de création d’emploi, la réalité est toute aussi différente.
Depuis le vote de la loi (10 juillet 2015), il est estimé que seulement
450 postes de travail ont été créés en France par la libéralisation
des lignes d’autocars longue distance.
Pendant ce temps, le service public ferroviaire s’est encore
dégradé. Question emploi, le dégraissage continue et si j’en crois
le Monde « Après avoir supprimé 1 100 postes
nets en 2015, la SNCF devrait encore en supprimer 1 400 en 2016. En fait,
elle ne remplace qu’environ 75 % des départs en retraite, estimés en
2016 à 7 000. »
Selon la CGT cheminots, au second semestre 2015, la SNCF aurait
perdu 250 millions d’euros de chiffre d’affaires du fait de l’ouverture de ce
nouveau marché. Ce montant n’est pas confirmé par la direction qui
avoue que la SNCF tablait ,elle, sur un retrait de 50 millions d’euros
seulement. Pendant ce temps, IDBus (devenue depuis OuiBus) ne rapporte pas
grand-chose et il a même fallu, courant 2015, recapitaliser cette filiale
de quelque 50 millions d’euros.
Si j’en crois un reportage paru dans l’Humanité, la
qualité de service pour le passager, n’est pas au rendez-vous. Malgré
la présence de la WIFI (argument de vente largement utilisé pour attirer une
jeune clientèle) le voyage manque de confort, les w.c. sont exigus et la
ponctualité aléatoire ! Un article du Figaro nous explique même
comment 70 passagers se sont retrouvés débarqués sur le bord d’une autoroute
espagnole lors du trajet Toulouse-Barcelone de la compagnie Megabus.
Tout cela parce que le chauffeur n’était pas en règle. Il faut dire qu’il
roulait sous le nom d’une autre personne et qu’il était seul à assurer la
liaison Barcelone-Londres via Toulouse et Paris ce qui est parfaitement
illégal. Le journal continue : « Reconnaissant ses torts,
Megabus a décidé de rembourser le prix du voyage et propose 200 euros de
dommages. Une situation exceptionnelle, car les voyages en autocars dits
low-cost et les offres promotionnelles de Megabus, mais aussi d’Eurolines, ne
sont jamais remboursables. »
Il faut bien admettre que les conditions de travail des chauffeurs ne
sont pas terribles, tous employés de « partenaire » (dans ce
cas synonyme de simple sous-traitant) des 3 grandes compagnies. Ainsi, un
article du journal La Dépêche nous raconte la situation d’un
conducteur de la ligne Toulouse-Marseille : « Une fois embauché
chez un partenaire de Flixbus, l’opportunité tourne au cauchemar. Logé dans des
hôtels qu’il juge insalubres et où il était impossible de trouver le sommeil,
son employeur lui demande aussi de réduire ses temps de repos. ‘J’étais obligé
carburer au RedBull pour tenir’, déplore-t-il. »
Ai-je besoin d’en rajouter pour vous convaincre ? La politique
ultralibérale de ce gouvernement, illustrée ici avec la mise en place des cars
« Low Cost », est une catastrophe et reste néfaste pour nos
concitoyens.