Pourront-ils s’opposer encore longtemps au droit humain à l’eau et à l’assainissement ?
Par René Durand le samedi 13 février 2016, 23:37 - Eau - Lien permanent
Aujourd’hui dans le monde, on estime que 1,1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2,6 milliards ne bénéficient pas de systèmes d’assainissement de base. En France, si 99 % des logements ont ce service, la situation est totalement différente pour les plus démunis et les précaires. Selon la commission consultative des droits, il y aurait deux millions de personnes pour lesquelles le droit à l’eau et à l’assainissement n’est pas satisfait. On évalue à un million le nombre de ménages qui n’y ont accès qu’à un prix considéré comme excessif par rapport à leur revenu. Généralement, on estime que ce prix est inabordable lorsque la dépense dépasse 3 % dudit revenu.
Dès 1997, la Conférence des Nations Unies sur l’eau (à Mar del Plata)
reconnaissait explicitement le droit à l’eau au niveau international.
Dans son assemblée générale du 28 juillet 2010, les Nations Unies a
adopté une résolution reconnaissant le droit à l’eau et à l’assainissement
comme un droit de l’Homme. En France, l’État n’a toujours pas mis en place ce
principe dans sa législation. Partant de ce constat, un ensemble
d’acteurs sociaux, syndicaux, associatifs et politiques se sont mis au travail.
Ce droit à l’eau devrait traduire deux exigences : d’une part chaque être
humain doit disposer de suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins
fondamentaux, d’autre part il convient de vérifier l’existence d’un équipement
assurant l’hygiène, la santé, la salubrité et la dignité de chacun de ses
occupants.
C’est fin 2013 qu’un premier travail s’est engagé sous la
coordination de la Fondation France Libertés, par un ensemble d’acteurs tels
que la Coalition Eau, la Coordination eau Île-de-France, le Secours populaire,
le Secours catholique, CLCV, etc. Il a conduit au dépôt d’une
proposition de loi (n° 1375 enregistrée le 18 septembre 2013) visant
« à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à
l’assainissement », présentée par Jean Glavany et Jean-Paul Chanteguet
(PS), Marie-George Buffet (Front-de-Gauche), François-Michel Lambert (EELV),
Bertrand Pancher (UDI) et Stéphane Saint-André (Radicaux républicains démocrate
et progressiste). Le député Michel Lesage est alors chargé de porter ce
projet. Après plusieurs réunions avec ces associations, une nouvelle
proposition de loi, prenant en compte un certain nombre de remarques faites par
les députés, mais visant le même objectif, était déposée le 8 avril 2015, par
les mêmes députés plus Michel Lesage (comme rapporteur).
Concrètement, cette proposition certainement perfectible se développe
pour l’instant sur deux axes. D’une part, permettre aux personnes les
plus démunies (SDF, populations roms, squatters, habitat indigne, copropriétés
dégradées, etc.) d'avoir gratuitement accès à des points d’eau potable,
des sanitaires ou des lieux pour pouvoir se laver. Bien souvent, il
suffit pour les collectivités de rendre accessibles des équipements existants.
D’autre part elle vise à résoudre sur le fond le problème de
l’insolvabilité des ménages en difficulté pour le paiement de leurs
factures. Au lieu de leur infliger des mesures coercitives, humiliantes et
inhumaines comme les coupures d’eau et les réductions de débit, il s’agirait de
mettre en place une aide préventive, sorte d’« allocation de solidarité
pour l’eau » (non stigmatisante), en solvabilisant en amont les ménages en
difficulté. Cette aide serait alimentée par une augmentation infime des taxes
existantes sur les bouteilles d’eau.
Alors que tout semblait avancer pour cette proposition, un certain nombre de
groupes de pression de l’eau sont entrés en action, et pas seulement les
professionnels de l’eau en bouteilles de plastique. C’est par exemple
la très surprenante intervention du Comité National de l’Eau, par la voix de
son président le député du Lot Jean Launay (PS). Dans un courrier du
29 décembre 2015 à la ministre, il émet un avis négatif sur cette proposition,
doute de l’opportunité politique de sa présentation et propose de la reporter à
2019 au plus tôt ! Il semble surtout souhaiter faire financer cette
allocation par la facture d’eau des autres usagers domestiques !
Il est tout autant surprenant de voir le député du PCF Patrice Carvalho
voler au secours des multinationales de l’eau en bouteille :
« Je m’interroge cependant sur le financement de cette disposition,
car le texte propose une contribution de solidarité de 0,5 centime par
litre d’eau embouteillée : c’est plus près de 2 euros par an,
monsieur le rapporteur, si l’on prend en compte les consommations moyennes
d’eau en bouteille. » Surprenant ? Non quand on sait que ce
député de l’Oise a pris position contre le mariage des homosexuels !
Toutes ces positions sont bien regrettables alors que, par bien des
côtés, les choses progressent. Par exemple les différentes actions en
justices conduites par les associations ont permis de définitivement mettre fin
aux coupures d’eau. Reste toutefois à faire rejeter l’ultime arme des
multinationales que constitue la réduction de débit (le lentillage), tout aussi
illégale que les coupures. Mais là encore, un premier jugement (tribunal
d’instance de Limoges le 6 janvier 2016) vient de condamner la SAUR pour une
telle pratique. Elle a ordonné la réouverture du branchement en eau à un débit
normal sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à
3 600 euros d’amende, dont 2 000 au titre du préjudice
moral.
Continuons à nous battre pour la mise en œuvre, en France, d’un droit
humain à l’eau et à l’assainissement. C’est une juste
lutte !
Les liens :
- La proposition de loi sur le site de l’assemblée nationale.
- Le droit à l’eau sur le site sur Wikipedia.
Commentaires
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