De cette agriculture-là, nous n’en voulons plus ! En plus, elle nous coûte cher...
Par René Durand le dimanche 17 janvier 2016, 11:50 - Politique et critique du libéralisme - Lien permanent
Le Commissariat général au développement durable, organisme dépendant du ministère de l’Écologie du développement durable et de l’énergie vient de publier (décembre 2015) une étude intitulée : « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solutions ». On savait que cette agriculture industrielle, dont la FNSEA assure le service après-vente, nous pourrissait la vie. Ce travail nous apprend qu’en plus elle nous revient cher.

L’agriculture occupe encore une place importante en France.
Elle représente 18 % de la production européenne et 16 % de la
surface cultivée en Europe. Pour les produits phytosanitaires (les
pesticides), il est le deuxième consommateur de l’Union (63,8 Mt et
66,7 Mt vendus en 2012 et 2013) après l’Espagne. Quant aux engrais
azotés minéraux, notre pays vient en tête du classement.
L’étude a fait l’hypothèse que la France était une « ferme
unique » et, à partir de là, regardé les flux d’azote entrants et
sortants. Ce travail met en exergue des pertes considérables. Cette
perte représente grossièrement la moitié de l’azote entrant. Plus
significative : cette quantité (1,5 million de tonnes par an) est
équivalente à 80 % de l'azote de synthèse que l’on rajoute. Du coup, on
peut légitimement se poser la question de l’intérêt de ce surplus ! Cet
azote disparaît soit parce qu’il se volatilise dans l’air, soit par lixiviation
ou ruissellement dans l’eau (l’ion nitrate étant très soluble). L’ensemble de
l’azote produit par l’agriculture elle-même peut être recyclé (purins, fumiers,
déchets ménagers, etc.), par contre les engrais azotés de synthèse, s’ils ont
permis des rendements bien plus élevés, sont en contrepartie à la base d’une
énorme pression environnementale. Pour les pesticides, si leurs tonnage vendu
globalement baisse, leur efficacité augmente. Cela a eu pour conséquence la
recherche d’un indicateur plus pertinent : le « nombre de doses
unités » (NODU), retenu dans le plan « Écophyto ». Sur la
période 2009-2012, cet indicateur est plutôt stable.
Les conséquences environnementales de l’usage agricole des produits
phytosanitaires et des engrais azotés sont importantes. Les nitrates
sont présents dans la majorité des nappes phréatiques métropolitaines.
Des teneurs supérieures à 50 mg/L (norme maximale admissible pour
l’eau potable) sont mesurées dans le bassin parisien et en Bretagne.
Les pesticides, eux aussi, sont détectés dans les eaux superficielles et
souterraines de l’ensemble du territoire. Pour ce qui est de l’air,
l’utilisation des engrais azotés a des conséquences en termes de
pollution : ammoniac, particules fines et ultrafines, oxyde d’azote (NOx).
Pour les seules NOx, l’agriculture en est responsable de 10 %.
Entre 30 et 50 % des pesticides pulvérisés dans les champs se diffusent
dans l’atmosphère. Pour ce qui est de l’enjeu climatique, on estime
que l’utilisation d’engrais azotés constitue près de 10 % des
émissions nationales de gaz à effet de serre. Enfin, comment ignorer
les conséquences de l’usage des engrais azotés et des pesticides sur la
biodiversité et sur la santé humaine ? Les études épidémiologiques ont
clairement permis d’identifier des relations entre certaines maladies (en
particulier chez les agriculteurs) et l’exposition aux pesticides.
Les dépenses induites par l’utilisation de ces produits sont très importantes.
Pour les seuls engrais azotés, le coût social engendré se situe dans
une fourchette comprise entre 0,9 et 2,9 milliards d’euros par an.
Pour la seule pollution des milieux aquatiques, les dépenses liées à la
dépollution des nitrates agricoles supportées par les services de l’eau et de
l’assainissement se situeraient entre 280 et 610 millions d’euros. Pour les
traitements liés aux produits phytosanitaires, la fourchette serait
entre 260 et 360 millions d’euros par an. Il pourrait également y être
ajouté les dépenses indirectes pour les ménages (achat d’eau en bouteille, coût
des contentieux communautaires, etc.). Comme le précise le
Monde, cette étude n’intègre pas, par exemple, « les quelque
2 millions d’euros du ramassage des algues vertes dopées par les nitrates, soit
50 000 à 100 000 mètres cubes chaque été. »
La réglementation sur les nitrates s’appuie en particulier sur la
directive européenne de 1991. Sauf que la France est régulièrement
condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, pour son incapacité à
améliorer la qualité de ses eaux et à la respecter. C’est la Commission
européenne qui a fini par porter cette affaire devant la justice, estimant que
notre pays ne traite pas correctement cette question. Les plans
« Ecophyto » successifs doivent encadrer la consommation de
pesticides. Pour celui en cours d’élaboration, la FNSEA nous
explique que « réduire l’utilisation des produits
phytosanitaires de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025 est
irréaliste. »
Pourrait-on revenir à une agriculture plus respectueuse de la nature,
de l’homme, des agriculteurs ?
Les liens :
Le rapport intitulé : « Les
pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts
et solutions ».