Inondations dans le var, un autre aspect de la faillite du système !
Par René Durand le jeudi 8 octobre 2015, 17:49 - Eau - Lien permanent
Les événements pluvieux qui ont ravagé les villes de Cannes, Antibes ou Mandelieu, dans la nuit du 3 au 4 octobre ont été impressionnants et meurtriers. On a ponctuellement battu des records avec, par exemple, 107 mm de précipitations en une heure à Cannes, les précédents pics sur cette ville étant de l'ordre de 65 à 70 mm par heure. Ailleurs, les niveaux de précipitations ont été dépassés de plus de 50 %. C'est bien le caractère exceptionnel, « explosif » de ces précipitations qui a conduit au drame. À l'heure où nous écrivons ces lignes, nous en sommes à 20 morts et 4 disparus !

Comme c'est maintenant traditionnel, certains hommes politiques
n'ont pas manqué de mettre en cause celui qui annonce la catastrophe, plutôt
que les causes. Ainsi, Météo-France a immédiatement été désigné comme
bouc émissaire, dès le dimanche matin, par Éric Ciotti,
député LR, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, en
s'interrogeant sur la pertinence du dispositif d’alerte.
Pascal Brovelli (adjoint au directeur de Météo-France)
admet : « En l’état de nos systèmes, nous ne sommes pas en mesure
d’annoncer une telle ampleur et de la localiser de manière aussi précise. […]
Le phénomène a été d’une rare violence. À la vitesse où cela s’est développé,
déclencher la vigilance rouge à 20 heures, au moment où nous avons pris
conscience de la réelle intensité et violence du phénomène, n’aurait pas permis
d’alerter les services et les populations dans des délais
suffisants. »
Mais disons-le clairement, les raisons d'une telle catastrophe sont à
rechercher ailleurs !
D'une manière unanime, le dérèglement climatique lié au réchauffement
n'est pas directement pointé comme cause première, les experts
s'accordent à penser que le réchauffement de la planète ne peut qu'augmenter la
fréquence des futurs « épisodes cévenols ».
Philippe Drobinski, directeur au CNRS, explique dans
le Monde : « Ce terme générique regroupe les
épisodes de pluies brèves et intenses, et de crues rapides, qui surviennent sur
tout l’arc méditerranéen, depuis l’Espagne jusqu’à l’Italie et la Croatie,
particulièrement à la fin de l’été et au début de l’automne » et de
rajouter : « Les lois de la physique nous disent que ce type
d’événements risque de devenir plus fréquent et plus intense dans un contexte
de réchauffement climatique. De manière générale, sous l’effet de la hausse de
la température, l’atmosphère retient davantage de quantité de vapeur d’eau, ce
qui entraîne plus de précipitations par la suite. »
Par contre, est unanimement pointée du doigt la gestion urbaine des
édiles locaux ! Déjà en janvier 2014,
Hervé Kemps expliquait dans Reporterre
que les inondations dans le Var étaient tout, sauf des catastrophes naturelles.
Elles s’expliquent, nous disait-il, par l'imperméabilisation
incontrôlée des sols. « Il faut vite arrêter le gaspillage des terres
et l’étalement urbain »
La population des Alpes-Maritimes a augmenté de 43 % en
30 ans (708 000 habitants en 1982 et 1 013 000 en 2011), ce
qui n'a pu se faire sans une urbanisation importante. Le Monde nous
apprend que la région PACA est la région côtière la plus dense de France avec
plus de 700 habitants au kilomètre carré. Quatre-vingt-quinze pour
cent de cette population est massée le long des côtes. La demande immobilière
est forte, les prix au m2 très importants et les profits à la hauteur. Le
sénateur Pierre-Yves Collombat, dans un rapport publié en
2012, expliquait déjà que cette urbanisation s’est réalisée sans économie de
l’espace et « sans aucune prise en compte du risque inondation :
des terrains inondables sont lotis, de vastes surfaces sont imperméabilisées de
manière artificielle, les cours d’eau traversant les villages sont couverts,
parfois a minima ». Il enfonce le clou : « Le manque de
moyens des services de l’État et des services municipaux, s’agissant des
petites collectivités territoriales, face à la ténacité et à l’ingéniosité des
promoteurs et à la pression des propriétaires fonciers est un élément
d’explication. » Même dans les villes comportant un plan de
prévention des risques inondation, dans les zones dites inondables [rouge] s'il
est interdit de construire de nouvelles habitations il est toujours possible
d'aménager, de rénover, de modifier la destination des habitations
existantes.
Mais la densification des zones urbaines n'est pas la seule
responsable, l’étanchéification des sols (conséquence de ce qui précède) en
rajoute. Dans les pentes qui surplombent le littoral, où il y avait
autrefois une activité agricole, des vignes, des oliveraies, on a
« tartiné » des maisons individuelles. Pour
Magali Reghezza-Zitt (Maîtresse de conférence en
géographie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm) dans des propos
rapportés par le Monde : « L’eau ne s’infiltre plus en amont du
bassin versant et, du coup, se déverse dans les cours d’eau. Or, dans ces
régions, il s’agit de petits cours d’eau, de ravins, à très faible débit en
temps normal, qui permettent l’évacuation des eaux pluviales. Mais ces petits
cours d’eau, dans lesquels l’eau monte très brutalement et redescend tout aussi
brutalement, débordent lorsque les pluies sont vraiment très importantes. Et
s’ils ont été couverts, bétonnés, équipés de buses d’évacuation artificielle,
et ainsi imperméabilisés, ce phénomène de débordement est accentué. »
Cécile Duflot, ancienne ministre EELV, affirme d'une
manière plus générale « qu’il faut remettre de la nature en
ville ».
Les solutions ne sont pas que techniques. S'il faut certainement
repenser l’aménagement de ces territoires, il faut aussi conduire avec les
populations une réflexion spécifique et développer une « culture
du risque ». Cela nécessite, dans le cadre d'une démarche
démocratique et partagée, d'apprendre (de réapprendre bien souvent) avec les
habitants, tous ensemble, les bons gestes, les bonnes attitudes, les bons
réflexes, etc.
Enfin, il me semble indispensable de positionner cette question dans un
cadre politique plus large. Marc Laimé nous le propose dans son
Blog : derrière cela est aussi posée la question de la politique de l'eau
en France. Celle-ci s'inscrit « dans le contexte plus large de
l’affaissement général des politiques publiques, et des services qui les
portent. » Après les ravages de la RGPP (Révision
générale des politiques publiques), initiée en 2007 par
François Fillon sous la présidence
Sarkozy, Jean-Marc Ayrault a poursuivi
dès 2012 dans la même logique avec la MAP (Modernisation de l’action publique).
Comment, avec des services publics affaiblis et déconsidérés, résister
à l'appétit des promoteurs, la pression des responsables politiques locaux à la
recherche de petits arrangements électoraux ?
Pour terminer j'aimerais, comme se plaît à le faire le « Canard
enchaîné », inscrire dans une rubrique le « Mur du çon » les
propos de Michèle Tabarot, députée-maire LR du Cannet [commune
impactée par les inondations] qui nous annonce qu’elle va déposer une
proposition de loi pour suspendre l’obligation de construire des logements
sociaux dans les communes en zone inondable déjà très urbanisées. Au Cannet,
dont 95 % du territoire est construit, cette obligation reviendrait selon
elle à créer plus de 4 000 nouveaux logements, ce qui
« aggraverait le bétonnage et le ruissellement des
eaux ».
Dramatique vous dis-je !
Les liens :
- Le Plan de prévention du risque inondation sur Wikipedia.
- Épisode cévenol sur Wikipedia.
- « Inondations : une faillite française » sur le blog de Marc Laimé.