Théâtre : « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni. »
Par René Durand le dimanche 20 septembre 2015, 11:09 - Spectacle vivant - Lien permanent
Au théâtre de la Colline, ce 19 septembre, nous avons vu le spectacle (en italien sous-titré) « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » [Nous partons pour ne plus vous donner de soucis]. Le point de départ de son écriture est une image du roman policier « Le Justicier d’Athènes » de l’auteur grec Pétros Márkaris. Cette pièce de Antonio Tagliarini et Daria Deflorian se jouera jusqu’au 27 septembre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

À Athènes les policiers vont donc trouver, dans un logement, le
corps de quatre vieilles femmes qui se sont suicidées en laissant un message
manuscrit avec soin. Sur une table leurs cartes d’identité à côté
d’une bouteille de vodka, de 4 verres et du flacon de somnifère. Il s’agit
d’Ekaterini Sektaridi née le 23/04/1941, d’Angeliki Stathopoulou née le
5/02/1945, de Loukia Haritonidou née le 12/06/1943 et de Vassiliki Patsi née le
18/12/1948. Le logement lui, a été nettoyé, les meubles
« briqués », pas de poussière. Il faut causer le moins de gêne
possible pour les autres.
Le message qu’elles laissent est ainsi rédigé :
« Nous sommes quatre retraitées, sans famille. Nous n’avons ni enfants
ni chiens. D’abord, on nous a réduit nos retraites, notre unique revenu. Puis
nous avons cherché un médecin qui nous prescrive nos médicaments, mais les
médecins étaient en grève. Quand ils les ont enfin prescrits, on nous a dit à
la pharmacie que nos mutuelles n’ont plus d’argent et que nous devons payer de
notre poche. Nous avons compris que nous étions un poids pour l’État, les
médecins, les pharmacies et toute la société. Nous partons pour vous éviter
cette charge. Quatre retraitées en moins, cela vous aidera à mieux
vivre. »
Tout est dit, la crise du système est là, cassé par la financiarisation
de l’économie et la déconnexion complète entre finance et production.
Les politiques de droite et social-libérales ont partout professé la limitation
des services et des dépenses publics. La dérégulation généralisée est en place,
il s’agit de privatiser, de démolir les systèmes de protection sociale
existants. On sait les effets catastrophiques de ces politiques en Grèce, mais
aussi en France.
Katerina Valavanidi, psychologue-psychothérapeute à Athènes,
nous apprend ainsi lors d’une interview sur le site
Rue89 : « La Grèce avait l’un des taux de
suicide les plus bas d’Europe avant 2009, il a grimpé en flèche depuis, des
milliers de Grecs ont préféré se donner la mort plutôt que de subir cette
crise ». Un article du Monde complète le
tableau : « Le taux de mortalité résultant de suicides et
d'homicides a augmenté respectivement de 22,7 % et de 27,6 % de 2007
à 2009 surtout parmi les hommes, précisent les auteurs de ce rapport publié
dans l'American Journal of Public Health, en se basant sur les statistiques du
gouvernement. »
Sur une scène vide, et au bout d’une attente assez longue, une des
comédiennes entre enfin nous expliquer que le spectacle ne peut être joué, il
n’est pas prêt, la troupe butant sur l’essentiel, comment dire NON à cette
situation. Comment s’opposer à cette crise capable de conduire au
suicide des personnes qui ne sont plus en capacité de subvenir à leurs besoins
et concluent à la nécessité de disparaître pour alléger la situation de leurs
semblables.
Plutôt que de s’engager dans un propos politique, les acteurs nous expliquent
leurs difficultés. « Ils se présentent au public avec toute leur
impuissance à représenter ces vies, à en restituer le trajet et surtout à
trouver par le théâtre une réponse constructive à la débâcle qu’elles
incarnent », à la crise du système.
Si vous êtes comme moi, parfois déprimés, courez voir ce spectacle, il
vous donnera le moral, convaincus de la nécessité de dire
NON !
Le lien :
- Le spectacle « Ce ne andiamo... » sur le site du théâtre de La Colline.