« Laudato si’ » : Très bien le Pape !
Par René Durand le samedi 25 juillet 2015, 14:33 - Climat et COP21 - Lien permanent
Intitulée « Laudato si’ », l’encyclique du pape François sur « la sauvegarde de la maison commune » a été publiée le jeudi 18 juin 2015. Il faut bien vous avouer que je ne pensais pas une seule seconde écrire un jour un texte sur un document en provenance du Saint-Siège ou d'une quelconque église. Il faut bien admettre que je suis un « antithéiste primaire », ceci expliquant certainement cela ! En tout cas, là il faut admettre que l’encyclique de ce pape François m'a bluffé ! Au total 192 pages de texte que l’on trouve facilement sur le WEB (lien ci-dessous).

Un ensemble de questions concernant notre rapport à la planète sont
abordées dans ce texte. Pour vous faire une idée de la richesse des
questions traitées, permettez-moi de vous citer un certain nombre de titres de
chapitre : Pollution et changement climatique, ordures et culture du
déchet, climat comme bien commun, l’eau, la perte de biodiversité,
détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale, inégalité
planétaire, écologie environnementale, économique et sociale, écologie
culturelle, écologie de la vie quotidienne, le principe du bien commun, la
justice entre générations, etc. Très rapidement, des réactions très
clivées sont apparues. Si j’en crois le Monde :
« La publication officielle de l’encyclique du pape François sur le
climat .../... a engagé l’Église catholique dans une controverse
morale, économique, mais aussi politique, sur un terrain dont elle n’est pas
familière. L’affluence des journalistes à la conférence de presse organisée par
le Vatican, à la mi-journée, était à la mesure des attentes suscitées par ce
texte annoncé depuis plus d’un an. »
Il faut reconnaître que dès les premières lignes le Saint-Père attaque
très fort. Parlant de la Terre il nous explique qu’elle
« crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation
irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons
grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs,
autorisés à l’exploiter. » Très rapidement, il met en exergue
le changement climatique qui est : « un problème global
aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques,
distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis
actuels pour l’humanité. Les pires conséquences retomberont probablement au
cours des prochaines décennies sur les pays en développement ». Il ne
doute pas un instant de notre responsabilité et nous dit
que « les jeunes nous réclament un changement. Ils se demandent
comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser
à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus. »
À ma grande surprise, notre Pape met clairement en cause le capitalisme
et le libéralisme : « La technologie, liée aux secteurs
financiers, qui prétend être l’unique solution aux problèmes, de fait, est
ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent
entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un
autre. » La notion de profit immédiat est clairement
pointée : « La sauvegarde des écosystèmes suppose un regard qui
aille au-delà de l’immédiat, car lorsqu’on cherche seulement un rendement
économique rapide et facile, leur préservation n’intéresse réellement personne.
Mais le coût des dommages occasionnés par la négligence égoïste est beaucoup
plus élevé que le bénéfice économique qui peut en être obtenu. Dans le cas de
la disparition ou de graves dommages à certaines espèces, nous parlons de
valeurs qui excèdent tout calcul. »
La question du changement climatique n’est, d’après lui, pas placée
dans le débat public au bon niveau et les solutions proposées semblent
insuffisantes : « Beaucoup de ceux qui détiennent plus
de ressources et de pouvoir économique ou politique semblent surtout s’évertuer
à masquer les problèmes ou à occulter les symptômes, en essayant seulement de
réduire certains impacts négatifs du changement climatique. Mais beaucoup de
symptômes indiquent que ces effets ne cesseront pas d’empirer si nous
maintenons les modèles actuels de production et de consommation. Voilà pourquoi
il devient urgent et impérieux de développer des politiques pour que, les
prochaines années, l’émission du dioxyde de carbone et d’autres gaz hautement
polluants soit réduite de façon drastique, par exemple en remplaçant
l’utilisation de combustibles fossiles et en accroissant des sources d’énergie
renouvelable. »
Pour ce qui est de l’eau, la privatisation de ce bien commun est
dénoncée : « Les impacts sur l’environnement pourraient
affecter des milliers de millions de personnes, et il est prévisible que le
contrôle de l’eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l’une des
principales sources de conflits de ce siècle. » Plus loin, il aborde
clairement la question du droit à l’accès à l’eau :
« Tandis que la qualité de l’eau disponible se détériore constamment,
il y a une tendance croissante, à certains endroits, à privatiser cette
ressource limitée, transformée en marchandise sujette aux lois du marché. En
réalité, l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial,
fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par
conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains. Ce
monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau
potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur
dignité inaliénable. Cette dette se règle en partie par des apports économiques
conséquents pour fournir l’eau potable et l’hygiène aux plus pauvres. Mais on
observe le gaspillage d’eau, non seulement dans les pays développés, mais aussi
dans les pays les moins développés qui possèdent de grandes réserves. Cela
montre que le problème de l’eau est en partie une question éducative et
culturelle, parce que la conscience de la gravité de ces conduites, dans un
contexte de grande injustice, manque. »
Pour terminer, permettez-moi cette ultime citation qui met en cause la
vision technoéconomiste de notre société : « La
politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se
soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la technocratie.
Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que la
politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la
vie, spécialement de la vie humaine. »
Nos politiciens de tous poils devraient apprendre par cœur l’encyclique
du pape François sur « la sauvegarde de la maison commune » !
Non j'exagère bien sûr, mais en y réfléchissant bien, peut-être
pas ?
Le lien :
- La lettre encyclique « Laudato si’ » du Saint-Père François « Sur la sauvegarde de la maison commune » (format PDF).