La planète en a rêvé, elle le fait !
Par René Durand le jeudi 29 mai 2014, 17:50 - Territoire - Lien permanent
Je suis souvent intervenu dans ce blog sur la nécessité de mettre en place des circuits courts pour nourrir les habitants de nos métropoles. Il faut, affirmais-je, maintenir des terres agricoles autour et à l’intérieur des zones urbaines, pour produire ce qui sera consommé dans le tissu urbain. Inutile de tout faire venir du reste de l’Europe (nos champignons de Paris viennent de Pologne, nos fraises de Belgique, nos légumes de Hollande, etc.) Ce n'est pas une réflexion d'europhobe, c'est celle de toute personne sensée qui souhaite limiter nos émissions de gaz à effet de serre.
Maintenir des terres agricoles est une chose, trouver des
agriculteurs pour les exploiter en est une autre. La chose est
compliquée en région Île-de-France. Tout d'abord la formation pour ce type de
métier est certainement trop « discrète », bien que possible et
accessible à tous. Reste la motivation pour se lancer dans ce type d’aventure.
Elle ne doit certainement pas manquer pour aboutir. En effet, les obstacles à
franchir sont nombreux. Il est certain que la crainte de voir ses installations
agricoles se faire casser, la crainte de voir sa production volée sont des
freins. Même si, là aussi, la réalité ne doit pas être confondue avec le
fantasme. Plus important me semble être le manque de reconnaissance de ce genre
de métier, l’absence d’image positive qui doit en arrêter beaucoup. Qu’est-ce
que tu fais dans la vie : « je produis des
légumes... » ; « Ah, t’es un bouseux
alors ? »
Ces premières conditions, pourtant essentielles, étant supposées
résolues, il convient de mettre en place des filières en amont pour que notre
exploitant(e) puisse se fournir (en matériel et fourniture), mais aussi en aval
pour écouler sa production... Cette chaîne, cohérente, est
indispensable pour que la « mayonnaise prenne ». On peut facilement
envisager que cela est plus simple en province où existent encore de nombreux
marchés de producteur. Dans nos banlieues il n'y a en a presque plus. Dans mon
secteur seul le marché de Villeparisis accueille encore deux (trois, m’a-t-on
récemment affirmé ?) cultivateurs-producteurs (le reste des marchands de
fruits et légumes étant des revendeurs de produits en provenance de Rungis).
Reste toutefois la possibilité de travailler avec une association pour le
maintien de l'agriculture paysanne (AMAP), existante ou à créer.
Venons-en à notre agricultrice préférée... Sachez que cette
« belle personne » est de formation ingénieur forestier et a
travaillé une dizaine d'années dans le domaine de la gestion forestière
durable. À un moment de ma vie, j’ai eu le privilège de la recruter dans ma
direction et de devenir « son chef » ! Elle a quitté la fonction
publique et a souhaité se reconvertir, car dit-elle, « décidée à
participer plus concrètement à la mise en œuvre d'actions relocalisées, je
renoue avec les productions végétales en choisissant les cultures maraîchères,
et en passant un Brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole
« maraîchage biologique » en 2013 ».
Son projet est aussi le résultat de la rencontre de trois initiatives
convergentes. Premièrement la mise en place d'un parc urbain, dans ses
multiples dimensions, par le conseil général du Val-de-Marne, deuxièmement
l'action pédagogique et productive d’une association déjà présente sur le site
et enfin sa propre reconversion à la production maraîchère
biologique.
Sur les parcelles que le conseil général lui loue une exploitation horticole
existait. Ceci n'est pas sans intérêt, puisqu’ainsi elle hérite d'un certain
nombre d'infrastructures pour travailler : serres, tunnels, réseau d'irrigation
et bâtiments de remisage de matériel. Certes, ils ne sont plus en très bon
état, mais leur rénovation pourra se faire progressivement. Un arrêté
préfectoral fixe pour les différentes productions agricoles une « surface
minimum d'installation » (SMI). Pour être assujettie au régime agricole,
la surface cultivée doit être au moins égale à une demi-SMI ce qui est le
cas.
Son projet consiste à réaliser une production maraîchère diversifiée,
telle qu'elle peut se concevoir dans ce contexte pédo-climatique. En
première approche elle pense produire une sélection de 37 légumes : ail,
aubergine, bette à carde, betterave, brocoli, carotte, céleri-branche et
céleri-rave, chicorée, chou de Bruxelles, choux cabus, rouge, -fleur, -rave et
de Milan, concombre, courgette, échalote, épinard, fenouil, fève, haricot,
laitue, mâche, melon, navet, oignons blanc et jaune, persil, poireau, pois,
poivron, pomme de terre, potiron, radis rose et noir et tomate. Dans un premier
temps, sa production sera plafonnée à une trentaine de paniers hebdomadaires à
distribuer sur 50 semaines. L'objectif est de monter à terme à une
cinquantaine de paniers hebdomadaires. Elle souhaiterait ainsi atteindre un
chiffre d'affaires de l’ordre de 25 000 € en 2015, qui devrait se
stabiliser autour de 40 000 € à partir de 2017.
Son projet se situant résolument dans une logique de relocalisation des
productions alimentaires, elle va se diriger vers un mode de commercialisation
le plus direct possible, pour créer un lien avec des personnes qui pourront
connaître l'origine des légumes qu'ils vont consommer. Elle privilégie
donc la possibilité d'approvisionner une Association pour le maintien de
l'agriculture paysanne (AMAP) du sud parisien. Elle envisage éventuellement de
proposer ses produits sur les marchés du secteur.
Comment conclure cet article ? Encourager cette courageuse
femme ? Lui réaffirmer que grâce à des initiatives comme la sienne on peut
espérer sauver la planète ? Parfois, quand je suis pessimiste, je
me dis qu’il y a quelque chose à voir avec « Sisyphe » dans ce
projet. Alors je me mets en colère et « pars en guerre » contre ces
grands projets inutiles qui peuplent les délires productivistes les plus
fous...
Bravo, ma belle, continue, c'est toi qui as
raison !
Commentaires
Je pense qu'il peut exister des sources de revenu et aussi des dimensions pédagogiques très riches à travailler avec des écoles à proximité.
Nous avions participé à l' une des premières fermes pédagogiques du bassin grenoblois avec une soeur Trillat à Seyssinet, puis sur des petits bouts de terre à proximité de l'école: jardin avec radis, et salades (qu'une vioque avait vandalisé), bonne occasion pour échanger, réinventer des kolkhoses...
Je ne crois pas que le principal avantage de l'agriculture urbaine soit de raccourcir les circuits de distribution.
D'abord ça ne serait que marginal. Ensuite la spécialisation des régions ne date pas d'hier et suit les progrès, disons les évolutions, des transports. Ainsi c'est au 19ème siècle que les régions françaises ont pu se spécialiser grâce au chemin de fer. Sinon on continuerait à ne manger des pêches de Montreuil ou des asperges d'Argenteuil, mais qui et à quel prix, et les oranges seraient un cadeau de Noël somptueux. Les rois de France avaient, au Moyen Âge, du vin de Coulommiers à leur table, c'était paraît-il une piquette épouvantable.
Bref je trouve cet appel à la proximité, outre irréaliste, régressif.
Par contre je pense que le concept d'agriculture urbaine a surtout un intérêt urbanistique voire éducatif comme le suggère Chassigneux, en aérant les villes, obligeant à repenser l'espace et à densifier, et en y accentuant la diversité biologique (le miel des villes est plutôt plus "sain" que celui des campagnes où l'agriculture intensive règne et les ruches de ville ne se portent pas trop mal, merci pour elles.
Je me souviens que, lors de la campagne municipale 2008, époque où Villepinte Verte avait encore une fonction pour quelques-uns, l'association avait fait comme proposition de transformer les 14 ha de La Pépinière en zone d'agriculture urbaine (sans se prononcer sur le mode de gestion, AMAP ou autre). Je crois qu'on a prêché dans le vide vue la suite en cours de mandat.
Comme quoi nul n'est prophète etc.